Août 2011 - Olivier Wickers: "Trois aventures extraordinaires de Jean-Paul Sartre"

Publié le par lescommunautes

Dans le tohu-bohu du retour de cendres de Sartre qui se sera opéré début 2000, le beau livre discret et élégant, de pensée comme de style, d’Olivier Wickers, sera passé quelque peu inaperçu, éclipsé par les palinodies croisées et autrement bruyantes de Bernard-Henri Lévy et Michel-Antoine Burnier. BHL découvre soudain de multiples qualités à Sartre, après l’avoir accablé de tous les maux, dans sa bande dessinée sur les intellectuels baptisée, par antiphrase, « Les aventures de la liberté » (1991). Plus fort encore, Burnier, sartrien fanatique et idolâtre dans les années soixante, et auteur en 1982 d’une désolante compilation se voulant sottisier - le genre le plus navrant de toute la littérature - atténue notablement son éreintement dans « L’adieu à Sartre ». Peut-être faut-il incriminer les doubles prénoms : Bernard et Michel auraient rédigé les réquisitoires respectifs - et parallèles -, et Henri et Antoine les plaidoyers contradictoires.

Loin de ces apostasies spectaculaires, voire ostentatoires, Olivier Wickers trace un sillon obstinément littéraire, qui n’aura eu contre lui que sa date de publication : en 2000, le microcosme médiatico-éditorial n’était pas absolument pas prêt à percevoir Sartre comme ce qu’il était en profondeur ; un écrivain. Rapide, subjectif et ultra-littéraire, ce livre, qui était en avance sur le calendrier, avait cependant décodé l’essentiel, en abordant Sartre par son principale trait de caractère qui fut aussi sa principale activité, telle est la clé d’une vie réussie, peut-être : sa graphomanie. Le Sartre de Wickers est d’abord un homme qui noircit des milliers de pages, auxquelles l’analyste en ajoute quelques dizaines légères et profondes sur cet acte inoffensif et captivant. Trois séquences rythment - découpent - cette persévérance insensée : les « Carnets de la drôle de guerre », en 1939, publication posthume de 1983, « Les mots » (1964), et « L’idiot de la famille » (1971-1972, mais quasi-ininterrompu depuis 1959). Tout cela est remarquablement informé (malgré quelques erreurs vénielles), et superbement déplié. « Les mots balbutiés reprennent leur place, la phrase retrouve son étiage, et il arrive que l’eau stagne. » Cette élégance légèrement surannée donne à ce beau texte nonchalant et surécrit son charme son intérêt et, mais oui, sa  beauté.

 

 

Olivier WICKERS

« Trois aventures extraordinaires de Jean-Paul Sartre »

Gallimard, 2000.

Lecture-savoir.

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 4 août 2011

Publié dans Sartre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article