Août 2011 - Denis Bertholet: "Sartre"

Publié le par lescommunautes

Par quelque bout qu’on la prenne, l’époque est au déboulonnage des idoles. Goût du dénigrement ou juste contrecoup à des éloges lyriques abusifs, voire délirants ? Les avis sont partagés, mais le diagnostic de départ est ferme : des personnalités littéraires aussi diverses que Mauriac, Aragon, Malraux et Camus ont toutes fait l’objet de vastes biographies, fort élogieuses, dans les années 70 - le représentant le plus éclatant du genre étant Jean Lacouture, pour Mauriac et Malraux. Le retour de bâton, vingt ans plus tard, n’en aura été que plus terrible : quel décapage, même si Camus, passant de la pure hagiographie à un éloge mesuré, s’en sort le moins mal. Le cas d’Aragon mérite le détour, puisque c’est le même desservant - Pierre Daix - qui officie, dithyrambique en 1975 (du vivant d’Aragon), beaucoup moins, c’est litote qui parle, en 1994, après sa mort. La classe.   

Cette troisième biographie de Sartre s’inscrit dans ce même mouvement d’ensemble : signée de Denis Bertholet, elle paraît en 2000, et semble en tous points écrite contre la précédente, parue en 1985 sous la plume d’Annie Cohen-Solal. Autant la première s’avérait sympathique à l’égard de l’homme et de l’auteur, avec quelques coups de griffe (plus ou moins) légitimes, autant la seconde frappe par un ton d’hostilité quasi ininterrompue. A quoi bon consacrer plusieurs années de sa vie à un auteur (et à un homme) que l’on apprécie si peu ?

Mais peut-être l’existence même de ce parpaing monumental et scrupuleux se justifie-t-elle ainsi, par le désir, ou la nécessité, de poser un « contre Sartre » en vis à vis du « pour Sartre » d’ACS, en dessus-de- cheminée ? Ainsi vont les chemins mystérieux de l’édition. Mais si le projet de Bertholet consonne avec un Zeitgeist de défiance, il est singulièrement déphasé selon une autre grille de lecture, plus décisive. Il s’obstine à relire, ce qui au reste éclaire ce parti-pris délibéré et somme toute assumé d’hostilité, Sartre selon un prisme idéologique. Cette biographie de destruction massive est, ou plutôt se voudrait, car souvent le sourcilleux critique n’est guère lésinant sur l’interprétation biaisée, un bêtisier politique. Or, au même moment, Rinaldi rapatriait déjà l’écrivain Sartre chez, et parmi, les littéraires. En 2005, lorsque sort cette (superbe) édition de poche, Charles Dantzig enfonce ce clou, et confirme ce tournant. Rien n’a échappé à Bertholet, sauf l’essentiel : Sartre était un écrivain. Impeccable d’un point de vue académique (et très utile en ce sens), cette biographie met trois coups dans l’eau pour ce qui est du projet existentiel. Suffit pas d’être méchant pour être malin, ni d’être contre pour tout capter.

 

 

Denis Bertholet, « Sartre », Perrin (Tempus), 2005.

Lecture-savoir.

Document réalisé par L. LE TOUZO, le 11 août 2011

Publié dans Sartre

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